Petit Conte de Noël
Comme le disait George Sand dans «Les lettres d’un voyageur» :«Le parfum de l’âme, c’est le souvenir».
Les êtres humains sont faits de souvenirs qui les déterminent et les construisent, qui retracent les racines et dessinent le devenir. Capricieux, ils nous amènent à un moment du passé : une voix, une odeur, un son, une époque marquée par la tristesse ou la joie.
Par ces temps difficiles d’insécurité, il est bon de savoir renouer avec nos souvenirs d’enfance. Plus nous nous concentrons sur ce qui nous est arrivé de positif dans notre vie, plus nous rechargeons nos batteries d’énergie positive. Cette énergie positive nous fait nous sentir bien, et augmente également notre capacité à réagir aux événements négatifs.
Il était une fois dans un petit village …
Ma famille est originaire d’Alsace et j’ai eu la chance de pouvoir grandir dans le beau village de Gumbrechtshoffen-Niederbronn où serpente paisiblement la rivière Zinsel. Mon enfance à cette période de l’année, est rempli de saveurs et d’odeurs… Celle de la levure, le dimanche matin …
Je me revois encore en cette année 1971, jouant dans le grand salon familial, pendant que ma mère, les mains blanches de farine, nous préparait le tradionnel Kougelhopf. Habillée en cuisinière, elle savait nous régaler de Bredeles, Manneles, Berewecke, Lammele (que les Haut-Rhinois prononcent Bredalas, Mannalas, Berawecka, Lammala) et autres délices, le tout accompagné de Confiture d’églantine maison.
Mon père, un rude gaillard, dont les travaux aux champs à la ferme de l’oncle Hans avaient forgé le caractère, alimentait le Kachelofe (ou Kochlofa) qui traduit littéralement, signifie « poêle recouvert de carreaux ».
Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître… Malgré son climat semi-continental, L’Alsace se couvrait alors d’un beau manteau blanc, les hivers étaient rigoureux (-23.2°C à Strasbourg le 2 janvier), la vie des hommes était rythmée par le cycle des saisons et non par les notifications de nos smartphones et les masques faisaient rire les enfants et ne faisait pas peur aux adultes.
C’était une époque différente que je vous invite de découvrir en visitant l’Écomusée d’Alsace dans la commune d’Ungersheim qui regroupe, sur 15 hectares, 75 bâtiments représentatifs de toute l’Alsace du début du 20ème siècle : des demeures à colombages ou en pierre, une mairie, une école, une chapelle, une gare, ainsi que des bâtiments utilitaires tels que granges, étables, séchoirs, fumoirs et même une scierie avec sa roue à augets … Le musée est malheureusement actuellement fermé en raison de la conjoncture jusqu’au 1er avril 2021.
A la recherche du Père Noël …
Après la messe dominicale, lorsque nous étions sages, nous nous rendions de temps en temps à Strasbourg pour visiter son magnifique marché de Noël.
Depuis tout petit, j’ai adoré l’ambiance festive des marchés de Noël. Le fameux Christkindelsmärik (marché de l’Enfant-Jésus) de la place Broglie est le plus ancien marché de Noël de France, et l’un des plus réputés. La tradition remonte à 1570… Le bus nous déposait alors place Kléber ou se dressait fièrement un superbe sapin géant. Puis on marchait jusqu’au quartier de la cathédrale. Et tout à coup, notre chemin s’illuminait ! Nos yeux d’enfants étaient ébahis par les lumières qui éclairaient les magasins et chalets de Noël décorés de rennes, d’anges et de sapins. Au milieu de lumières scintillantes et multicolores, on y exposait les cadeaux les plus convoités : des artisans de la France entière, tels les rois mages, venaient y exposer des objets variés destinés aux fêtes de fin d’année. On vivait alors dans un monde magique, un rêve éveillé. C’était là, à ce qu’on disait, que se tenait le véritable Père Noël.
En fin de journée, comblés, épuisés et frigorifiés, tandis que je me réchauffais les doigts engourdis contre une bonne tasse de chocolat chaud, j’observais avec curiosité, les adultes agglutinés autour d’un chaudron fumant aux effluves de miel et d’épices se mêlant avec gourmandise aux écorces d’agrumes. J’étais, malheureusement, trop jeune pour goûter à cette potion magique qui redonnait les couleurs que le froid avait effacé de leurs visages, mais cela n’a fait que renforcer ma détermination de percer, un jour, le secret de cette recette, surement transmise de bouches à oreilles de druides depuis des temps ancestraux…
Jeux de Vins, jeux de Malins
L’origine remonte aux premiers vins dits « épicés » et dont l’élaboration et la consommation datent de l’époque romaine dans le but «thérapeutique» de faciliter la digestion après des orgies quelque peu trop festives (ils avaient effectivement l’amphore facile). Le vin chaud se prénommait « Conditium Paradoxum », et contenait principalement du miel, du poivre, du laurier, des noix et des dattes. Ces ajouts et épices permettaient au vin d’être conservé plus longtemps sans s’oxyder. Une boisson fort différente de celle que l’on trouve de nos jours sur nos marchés.
Pour retrouver une préparation se rapprochant de celle que l’on consomme il faut attendre le Moyen-âge. Au XIII° siècle, la ville de Montpellier est réputée pour la préparation de vins épicés et son commerce.Ville portuaire, les épices arrivaient d’Orient et notamment l’épice reine des vins épicés : le clou de girofle. Ce vin chaud plus sucré était aussi appelé « Hypocras ». Par la suite, de nouveaux ingrédients se sont ajoutés comme la cannelle, la cardamome ou les agrumes, découverts lors des grandes explorations. Puis la mode envahit progressivement l’Europe et notamment les cours des rois scandinaves. Grand amateur, le roi de Suède Gustave 1er développe la tradition du vin chaud dans son pays. A partir du 17e siècle, cette boisson aristocratique devint populaire et prit le nom de Glögg (vin chauffé) et l’engouement fut tel que le roi de Suède tenta de mettre un frein à sa consommation. Mais la mode était lancée et se répandit aux pays germaniques et à l’Europe centrale, là où il fait plus froid en quelque sorte.
Début du 20°siècle, la tradition s’amplifia lors de la période de Noël et comme toute tradition, chaque pays possède sa propre recette. La préparation la plus populaire du vin chaud est réalisée avec une base de vin rouge tandis qu’en Suède, il est à base de vin blanc.
Comme le disait ma grand-mère en me confiant sa recette le jour de mes 18 ans, «l’important est de préparer son vin chaud avec amour et du vin aussi»
Allez, g’sundheit !