Le Paris des maisons closes
Un Paris secret mais très recherché a symbolisé la capitale des plaisirs et du luxe. Des décors sans pareil, le champagne qui coule à flots, des billets de banque qui circulent et des «filles» jeunes et sensuelles, voilà ce qui caractérisait les maisons closes, en langage plus familier, les bordels. Petite visite et bref itinéraire…
Les grandes figures aristocrates ou bourgeoises se pressaient dans Paris pour toquer à la porte de certains établissements où ils seraient reçus comme des rois, tel le «vrai» roi des Belges, Léopold II, réputé pour ses habitudes libertines.
Les maisons closes associées à la Belle Époque, ne sont pas nées à cette période mais dès le XVe siècle : le sexe, nous le savons, n’a pas d’âge…
Dans les bordels, la vie se faisait légère et caressante en apparence. L’Église fermait les yeux à condition que ces maisons s’ouvrent à 200 mètres maximum d’une église justement où les époux infidèles étaient priés de venir se confesser pour effacer leurs péchés charnels.
Les désirs divers étaient pris en compte d’où une variété de décors pour des envies à «la carte». Chambres russes, hindoues, japonaises, mauresques et j’en passe. Le prince de Galles Édouard VII possédait au Chabanais, une baignoire à champagne en cuivre et un surprenant fauteuil d’amour à trois places. Il est vrai qu’on avait coutume dans ces murs de vivre «serré». En réalité, Paris foisonnait de lieux sulfureux en voici quelques-uns.
Le One Two Two (122, rue de Provence Paris 9). Ce bordel était installé dans un hôtel particulier du prince Murat. Sa chambre en forme de wagon lit avec bruitages et faux contrôleur alimenta le buzz du monde entier.
Le Sphinx (31, boulevard Quinet Paris 14) avec son bar signature des Arts Déco fut le premier établissement à accueillir les couples. La tenancière avait une devise bien à elle mais qui résume celle de tous les autres bordels : « Tout voir, tout entendre et ne rien dire » …
Chez Christiane (9, rue de Navarin Paris 9), reconnaissable par sa façade néogothique qui informait tout de suite sur le genre des gâteries de la maison : sadomasochisme à tous les étages et même jusqu’au gibet !
Le Chabanais (12, rue Chabanais Paris 2) compta parmi les plus luxueux des lupanars. Le 6 mai 1889, il connut vraiment son heure de gloire quand pour l’inauguration de l’Exposition universelle, les ministres et ambassadeurs du monde entier y furent invités. La rumeur raconte que sur l’agenda de chaque invité du genre, il était noté « Visite du président du Sénat » …
Aux Belles Poules dont je reparlerai dans l’encadré ci-dessous car nous pouvons y admirer encore quelques décors.
Avant la seconde guerre mondiale, des figures connues avaient coutume d’y aller boire une coupe tel Jean Gabin, Edith Piaf et les autres. Puis le conflit éclaté, certains tenanciers des maisons closes ont flirté et même plus avec les occupants. Cette fois, ce sont eux qui après la guerre devront payer l’addition. L’arrivée de la loi de Marthe Richard ne fut donc pas la surprise qu’on imagine aujourd’hui. Marthe Richard était une ancienne prostituée transformée en gardienne de la morale et qui suivit l’interdiction bien avant nous de ces bordels en Angleterre. Surtout, elle connaissait la crudité des coulisses. Des filles souvent battues violemment, un harcèlement des contrôles policiers, une syphilis galopante qui les empêchait pour beaucoup de fêter leurs 30 ans, une chaîne de crédits (elles devaient notamment régler leurs tenues, leurs produits d’hygiène, etc.) telle qu’elles ne réussissaient pas, la plupart du temps, à sortir de leur geôle même inondée de parfums et de champagne. Marthe Richard réussit donc en 1946 à interdire les maisons closes. Les 7000 filles employées rejoignent pour la plupart les 6000 autres clandestines appelées les insoumises. Jusqu’à aujourd’hui, les bordels n’ont plus d’existence légale.
Le problème de la prostitution n’est cependant toujours pas réglé, en revanche, le sort des décors (même ceux peints par Toulouse Lautrec) et du mobilier emblématique l’a été à la vitesse grand V par une solution radicale nommée destruction. Certains purent être vendus aux enchères et parfois on retrouve quelques éléments dans des maisons somptueuses ou hôtels particuliers ou souvent derrières des tapisseries, des lambris ou des coffrages dont on les avait recouverts. L’art dont on ne prend pas conscience, c’est là le péché aussi…
Aux Belles Poules
C’est au 32, rue Blondel dans le 2ème que Caroline Sénot installe ses bureaux. Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir sous les murs un joyau architectural et artistique. Classé désormais au Patrimoine historique, il nous faut noter que c’est l’unique décor existant encore de cette période.
Construit en 1870, cet établissement qui s’adressait plutôt aux bourgeois connut ses grandes années vers 1920. En 2017, Caroline Sénot décide de redonner vie à cette adresse après l’avoir rénovée. Elle ouvre ses portes pour des spectacles, des décors de films mais aussi pour des conférences et des événements festifs.
Allez-y le temps de l’écouter mener sa conférence ou de vous plonger dans cette atmosphère «dévoilée» par Georges Brassens dans sa chanson le pornographe «S’il vous plaît de chanter les fleurs qu’elles poussent au moins rue Blondel dans un bordel…»