Giverny Monet
GIVERNY, UN VILLAGE À L’OMBRE DE MONET
Barbizon aurait-il connu une aussi forte notoriété sans la présence de Corot, Millet, Ziem ou Daubigny, venus y chercher l’inspiration dès les années 1830 ?
Et Auvers-sur-Oise profiterait-il encore d’une telle renommée sans le passage funeste qu’y fit Van Gogh ?
Juste un petit village du Vexin.
Jusqu’au milieu du XIXe siècle, Giverny n’est qu’un paisible petit bourg vivant chichement de ses cultures de céréales et de la vigne. À la Révolution, c’est la famille Le Lorier qui possédait les terres et monsieur Le Lorier fut le premier maire du village en 1791. En 1800, Giverny comptait 327 habitants. Il culminera à 548 âmes en 1990 pour se stabiliser aujourd’hui à environ 500.
Ce petit village du Vexin français, situé à 75 kilomètres de Paris, est cité pour la première fois vers 1025 sous son vocable latinisé de Giverniacum. Un dolmen laisse supposer que le lieu était habité bien avant, stratégiquement situé au confluent de la Seine et de l’Epte. La paroisse est fondée sous les Mérovingiens. Elle est placée sous la protection de Sainte Radegonde dont l’église sera érigée dans le style roman entre le Xe et le XVIe siècle.
On peut y découvrir, caché à l’abri des curieux, le corbillard qui conduisit le cercueil de Monet à sa sépulture dans le cimetière jouxtant l’édifice. À remarquer également une peinture exceptionnelle représentant un Christ en croix, due au talent de Claude Cambour, l’un des derniers grands impressionnistes qui eut son atelier à quelques encablures de là.
Il a suffi d’un coup de cœur pour que tout change
C’est en 1883 que Claude Monet découvre la quiétude du lieu et y loue la maison qu’il achètera en 1890. Il réaménage le verger, plante fleurs et arbres et, en 1893, fait creuser au grand effroi des riverains son fameux étang aux nénuphars en détournant un bras de l’Epte.
À l’image de ces villages de peintres, mondialement réputés, Giverny ne recevrait certainement pas autant de visiteurs chaque année sans l’ombre omniprésente de Claude Monet.
La municipalité, le département et la région ont beaucoup œuvré pour qu’il puisse accueillir correctement ses plus de 700 000 visiteurs entre Pâques et la Toussaint : vastes parkings, circulation réglementée, sécurité renforcée…
La vie de Giverny est ainsi rythmée pendant six à sept mois par an par l’attirance touristique quasi universelle engendrée par la maison et les jardins de Monet. Personne n’ignore qu’il fut l’un des principaux initiateurs du nouveau mouvement artistique auquel son tableau brossé au printemps 1873, Impression au soleil levant, donnera son nom.
La peinture des Nymphéas nécessitera la construction d’un nouvel atelier dédié à la création de cette œuvre monumentale. Les panneaux en seront exposés en 1909 chez Durand-Ruel. Clemenceau, l’ami du peintre, en inaugurera le décor à l’Orangerie des Tuileries, un an après la mort de leur auteur, survenue à 86 ans, le 5 décembre 1926.
Après avoir été directeur du Grand Théâtre de Genève puis de l’Opéra national de Paris, Hugues Gall a pris en 2008 la tête de la Fondation Claude Monet qui assure la gestion et la conservation de la maison de l’artiste et de ses dépendances. Il a succédé à Gérald Van der Kemp qui en a dirigé la rénovation lorsque l’Académie des beaux-arts lui en a confié la mission.
L’universalisme artistique
Michel Monet, dernier fils du peintre, est mort dans un accident de voiture en 1966, à l’âge de 88 ans. Sans héritier, il a légué par testament la propriété et les collections de Giverny au musée Marmottant dépendant de l’Académie des beaux-arts. La maison n’avait pas été entretenue depuis longtemps et ses jardins étaient en friche. Pour sauver ce patrimoine en péril et faute de moyens, Gérald Van der Kemp et son épouse Florence ont fait appel à des mécènes dont, en particulier, la Versailles Foundation-Giverny Inc, de New York. En 1980, la Fondation Claude Monet a été créée et, le 1er juin, la propriété a ouvert ses portes au public.
Les liens entre les États-Unis et Giverny remontent aux années 1880 quand une colonie d’artistes américains, séduits par le travail de Monet, s’y installe et fréquente l’Hôtel Baudy (81, rue Claude Monet), resté « dans son jus ». Dans son jardin, on peut encore entrer dans l’atelier construit à la demande de ces peintres, en 1887. Cézanne, Rodin, Sisley, Mary Cassatt y ont travaillé ainsi que tous les jeunes Américains venus ici avant la Première Guerre mondiale. Renoir, entre autres, venait y déjeuner fréquemment avec Monet.
Un lien de plus avec le nouveau continent a été tissé lors de l’ouverture du Musée d’Art Américain, inauguré en 1992. Il est alors géré par la Terra Foundation for American Art, créée par le collectionneur et mécène Daniel Terra. En 2009, ce bâtiment moderne, construit par les architectes Reichen et Robert, deviendra le musée des Impressionnismes, dont Sébastien Le Cornu assure aujourd’hui la présidence. Deux expositions temporaires s’y succèdent au cours de chaque saison touristique.
L’art, un élément rassembleur
Au-delà de la peinture, Giverny a été et reste un sujet de prédilection pour les écrivains. Michel de Decker y a écrit en 1992 l’un des meilleurs livres sur Claude Monet et, en 2010, Michel Bussi a fait du village le cadre de son roman policier à succès, Nymphéas noirs. Adrien Goetz a signé, quant à lui, un remarquable ouvrage intitulé Monet à Giverny avec de très belles photos d’Éric Sander, publié sous l’égide de la Fondation Monet et en vente à la boutique du musée.
Parmi les personnalités célèbres, Giverny s’enorgueillit d’avoir eu Leny Escudero parmi ses habitants et d’avoir reçu la visite d’Hillary Clinton en 1996 et, en 2007, de l’Empereur du Japon, Akihito. Plus près de nous, ce sont Brigitte et Emmanuel Macron qui ont foulé en 2019 le bitume de la rue Claude Monet. Quant à Patrick Balkany, son moulin se visitera-t-il un jour comme un site historique ?
Un village aux diverses gourmandises artistiques
En dehors du restaurant Baudy, se trouvent deux autres adresses agréables à fréquenter : La Musardière, hôtel-restaurant récemment rénové, avec une cuisine à tendance bistronomique servie sur une belle terrasse, et Les Nymphéas, face à l’entrée du musée, avec un accueil sympathique pour déguster des salades composées et des plats plus traditionnels. Un peu plus éloigné du centre, Le Jardin des Plumes est un hôtel de charme doté du seul restaurant étoilé de Giverny. Concernant les galeries de peinture, nous apprécions tout particulièrement la Galerie Cambour au 101 de cette incontournable rue Claude Monet.
Un saut de puce entre Giverny et la République de Montmartre
La galerie est tenue par la veuve de ce grand artiste, qu’était Claude Cambour et est, elle-même, pastelliste de grand talent. C’est à l’initiative de son fils Nicolas, Ambassadeur de la République de Montmartre à Giverny, qu’a été réalisé en 2015 le vœu de feu son père de jumeler le village de Giverny à celui de Montmartre, deux patries-berceaux de tant d’artistes ayant marqué leur temps.
Les bonnes adresses de Pierre & Lisbeth
Restaurant Baudy
81 rue Claude Monet
27620 Giverny
+33 232 211 003
Ouvert 7/7. A partir de 29,90€
Hôtel-Restaurant La Musardière
123 rue Claude Monet
27620 Giverny
+33 232 210 318
Les Nymphéas
Square Gérald et Florence Van Der Kemp
27620 Giverny
+33 232 212 031
Ouvert tous les jours de 9H à 18H. Le soir réservation pour les groupes.
Hôtel-Restaurant Le jardin des plumes
1 rue du Milieu
27620 Giverny
+33 232 542 635
Hôtel ouvert 7/7
Menu à Partir de 55€
Comment s’y rendre ?
En voiture :
Paris, 75kms. Autoroute A13 sortie 14 ou 16, Vernon/Bonnières ou Vernon/Douains
En train :
Eviter de passer par Mantes
Gare Saint Lazare, Grandes lignes
Ligne Paris- Saint-Lazare : Rouen/Le Havre
Descendre à Vernon-Giverny.
Pierre Passot
Photographies de Liesbeth Passot-Kambier