Grand Prix du livre AFJET 2024
Grand Prix du livre AFJET 2024
Sélection finale
« Marguerite et le mont Blanc » Michaël Sibony
Dans cette histoire, il est d’abord question de montagne, et plus précisément du massif du Mont-Blanc, aussi envoûtant que majestueux. Il y a ensuite Marguerite, à la fois sœur non-née et locomotive du Tramway du Mont-Blanc. De la musique – beaucoup –, des tours de manège – seulement quelques-uns –, un oncle, Ajzik, qui dit des choses comme «?Faut-il se priver de sauter d’un train en marche quand il nous embarque vers une mauvaise destination???» Et un garçon amoureux d’une montagne, qui va devoir se construire entre deuil impossible et passion obsédante. Une trame complexe et sensible, que Michaël Sibony dénoue avec subtilité.
Editions de l’Aube – 05/01/2024 – 192 pages – 18,90€
« Les Yeux de Mona » Thomas Schlesser
Cinquante-deux semaines : c’est le temps qu’il reste à Mona pour découvrir toute la beauté du monde. C’est le temps que s’est donné son grand-père, un homme érudit et fantasque, pour l’initier, chaque mercredi après l’école, à une œuvre d’art, avant qu’elle ne perde, peut-être pour toujours, l’usage de ses yeux. Ensemble, ils vont sillonner le Louvre, Orsay et Beaubourg.?
Ensemble, ils vont s’émerveiller, s’émouvoir, s’interroger, happés par le spectacle d’un tableau ou d’une sculpture.?Empruntant les regards de Botticelli, Vermeer, Goya, Courbet, Claudel, Kahlo ou Basquiat, Mona?découvre le pouvoir de l’art et apprend le don, le doute, la mélancolie ou la révolte, un précieux trésor que son grand-père souhaite inscrire en elle à jamais.
Grand roman d’initiation à l’art et à la vie, histoire d’une relation solaire entre une petite fille et son grand-père, Les Yeux de Mona connaît un destin fabuleux : traduit dans plus de vingt pays avant même sa parution en France, c’est un phénomène international.
Albin Michel – 01 février 2024 – 496 pages – 22,90€
« La force de nos racines » de Catherine Brechignac
Qui, remontant le temps, n’aimerait pas rencontrer ses aïeux, ascendants et ancêtres face à face ? Qui, déroulant les siècles, ne rêverait pas de les faire revivre devant ses yeux ? Qui, égrenant leurs noms et leurs destins, ne désirerait pas être leur mémorialiste à l’usage des âges futurs ?
Il fallait l’une de nos plus éminentes scientifiques de renommée internationale pour illustrer avec précision, inspiration et émotion cette passion française qu’est la généalogie. Partant en quête de sa lignée bretonne au cœur du Finistère sur quatorze générations, mobilisant registres paroissiaux, états civils, chroniques historiques, cartes géographiques, données climatiques, Catherine Brechignac ressuscite ici celles et ceux dont elle est l’héritière, les humbles paysans et ouvriers d’une simple histoire familiale sans lesquels, toutefois, il n’y aurait pas eu d’histoire de France.
Balançant entre la terre et la mer, la charrue et le bateau, l’ancrage et l’exil, voici un voyage vers nos origines où les rites le disputent aux métiers, les fêtes aux guerres, les saints aux elfes. Mais la science n’allant pas sans conscience, ce récit, qui se lit comme un roman, constitue aussi une alerte contre la déshumanisation du monde. « Un peuple amnésique est un peuple mort », nous prévient Catherine Brechignac.
Une plongée dans hier. Une fresque d’aujourd’hui. Un espoir pour demain.
Les éditions du Cerf – 01/2024 – 208 pages – 20,00€
« A Dieu vat » Jean-Michel Guenassia
« On ne choisit rien, on ne fait que mettre ses pas dans le chemin tracé, on accomplit toujours ce que l’on est. »
C’est dans l’euphorie d’un monde à reconstruire, en 1924, qu’Irène rencontre Georges. Elle est serveuse, il est menuisier aux studios de cinéma, et ressemble à s’y méprendre à Rudolph Valentino, ce qui en chavire plus d’une. Le temps d’une valse sur les bords de Marne, ils tombent amoureux.
Leur fille aînée, Arlène, fera partie pendant son enfance du carré magique : à ses côtés, il y aura Daniel, qui se destine à Saint-Cyr, et Thomas et Marie, les jumeaux de bonne famille. Ils sont inséparables. Mais Arlène n’est pas comme eux. Malgré son humble extraction, elle va s’évertuer à être l’une des premières femmes ingénieurs atomiques en France.
Ce qui n’est pas sans embûches. Ce qui n’est pas sans sacrifices.
Chassé-croisé d’amours éperdues, de destinées funestes et de rendez-vous manqués sur fond de bouleversements sociaux et politiques, À dieu vat est aussi l’épopée d’un siècle : celui d’une jeunesse fracassée par trois guerres successives, des filles qui voulurent échapper à leur condition, et des gens modestes qui eurent de l’ambition.
Albin Michel – 30 août 2023 – 496 pages – 22,90 €
« Le Jardin des Plantes ou De l’horrible danger de la promenade » Elvire de Brissac
En créant en 1635 un jardin des plantes médicinales à Paris, directement placé sous son autorité, Louis XIII fonde non seulement l’une des plus anciennes institutions scientifiques de France avant l’Académie des Sciences (1666) et l’Observatoire de Paris (1667), mais aussi l’une des plus modernes. Des cours gratuits, donnés en français et non plus en latin au tout-venant : du jamais vu, qui fait froncer les sourcils à la Sorbonne ! Car le succès est immédiat, les carabins s’en donnent à cœur-joie de disséquer des cadavres, de ridiculiser les Diafoirus, de découvrir une sexualité aux plantes : médecine et botanique ne font qu’un au XVIIème siècle et c’est le premier médecin du roi, Guy-Crescent Fagon, qui administre le jardin jusqu’à la fin du règne de Louis XIV. Au XVIIIème siècle, c’est la surproduction de tout : des espèces végétales, animales et minérales rapportées par ces missions scientifiques qui sillonnent l’univers, des cabinets de curiosité des grands de ce monde, des touristes qui affluent de toute l’Europe au jardin des Plantes pour rencontrer Buffon, l’auteur d’un des best-sellers de son temps, une Histoire naturelle en 36 volumes qui ignore sèchement son contemporain, le savant suédois Carl von Linné dont la classification fait encore autorité. Nationalisé à la révolution, sauvé par Lakanal qui voit surtout son aspect éducatif, voici le jardin Royal transformé en muséum. Douze professeurs vont chacun occuper une chaire et administrer l’institution pendant deux cents ans et aucun des promeneurs, peintres ou écrivains qui découvrent avec délices au XIXème siècle la ménagerie, les grandes galeries, le jardin d’Acclimatation (1860), au bois de Boulogne, le musée d’Ethnographie, ancêtre du musée de l’Homme, au Trocadéro (1878) ou le zoo de Vincennes (1934) ne se doute des querelles qui agitent les coulisses de l’établissement et se nomment fixisme, transformisme, Darwinisme, colonialisme, adaptation ou refus de la révolution industrielle, déclin scientifique. L’homme est-il un singe ? La France apporte-t-elle aux peuples colonisés l’ombre ou la lumière ? A quoi sert le muséum ? Comme la pluie qui tombe dans les grandes galeries, faute de crédits, après la Seconde Guerre mondiale et surtout après les Trente Glorieuses, l’histoire naturelle est-elle en train de tomber dans l’oubli ?
L’ADN découvert en 1953, qui révèle tout de vous, de votre passé et de celui du vieux renard empaillé ou de la roche emprisonnée, fait-il encore de nous des êtres humains ? La numérisation viendra-t-elle à bout du trop-plein des musées ? Va-t-elle rendre à leurs pays d’origine tout ce qui en a été emporté ? Et la terre qui se décroche par mottes entières sous nos yeux, où va-t-elle ? C’est dire qu’au XXIème siècle, le muséum a encore devant lui de beaux jours et de belles promenades parmi les dangers de la terre. « [Celle-ci] peut bien disparaître, disait August Strinberg en 1894, si le jardin des Plantes est épargné, la création sera sauvée. » Puisse l’avenir lui donner raison !
Grasset – 10/01/2024 – 204 pages – 22€
« Un très honnête bandit » Antoine Albertini
Le 11 octobre 1882, Jean-François Rocchini, un cultivateur de la région de Porto-Vecchio est assassiné parce qu’il est Le 11 octobre 1882, Jean-François Rocchini, un cultivateur de la région de Porto-Vecchio est assassiné parce qu’il est soupçonné d’avoir tué le chien de ses voisins. Xavier, son fils, le venge un an plus tard. Parti au maquis, égaré sur des chemins inconnus, il commet de nouveaux crimes et gagne le surnom d’Animali, la « Bête ». Arrêté, il est condamné à mort. Il a 24 ans.
Dans ce roman tiré d’un fait divers oublié qui passionna l’opinion internationale de l’époque, Antoine Albertini raconte une île infestée de banditi, leur monde et leurs lois, et met en lumière les mécanismes de la violence dans la fabrication de l’image de la Corse. Un jeune bandit, un bourreau terrifié par le sang des condamnés, un gendarme destructeur des bandits et bègue, un coutelier magnifique, une jeune femme courageuse : tous ses personnages disent un siècle et une île, ils sont superbes et inoubliables.
JC. Lattès – 23/08/2023 – 448 pages – 21,90€
« Basses terres » Estelle-Sarah Bulle
En Guadeloupe, les toussotements de la Soufrière font partie du quotidien des habitants de la Basse-Terre. Mais en ce mémorable mois de juillet 1976, les explosions s’intensifient, les cendres recouvrent impitoyablement la végétation et beaucoup se résignent à partir en Grande-Terre. Au cœur de cette saison brûlante, les bourgs se vident et les destins se jouent. De l’autre côté de l’isthme, chez les Bévaro, l’heure est aux retrouvailles : dans la case d’Elias, le patriarche, s’agglutinent la famille de son fils venue de métropole et une flopée de cousins déplacés. Eucate, en Basse-Terre, n’a plus que sa petite-fille. Elle a autrefois érigé sa case sur les pentes du volcan pour fuir les vilénies de son patron monsieur Vincent et elle est bien décidée à y rester. Même si elle devait être la dernière, seule avec ses souvenirs d’un passé doux-amer.
Liana Levi – 4/01/2024 – 202 pages – 20€
« Et vous passerez comme des vents fous » Clara Arnaud
Gaspard, un berger pyrénéen, s’apprête à remonter en estive avec ses brebis, hanté par l’accident tragique survenu la saison précédente. Dans le même temps, Alma, une jeune éthologue, rejoint le Centre national pour la biodiversité, avec le projet d’étudier le comportement des ours et d’élaborer des réponses adaptées à la prédation.
Sur les hauteurs, les deux trentenaires se croisent de loin en loin, totalement dévoués à leurs missions respectives. Mais bientôt les attaques d’une ourse les confrontent à leurs failles. Les audaces de la bête ravivent les peurs archaïques, révélant la crise du pastoralisme et cristallisant des visions irréconciliables de la montagne : elle devient l’ennemie à abattre.
Dans cette vallée où jadis le dressage des ours était une tradition, la réintroduction du plantigrade exacerbe les tensions. L’histoire de Jules, jeune saltimbanque parti faire fortune à New York avec son animal, à l’orée du ˜˜e siècle, scande le récit principal et résonne puissamment avec le présent.
Interrogeant notre rapport au sauvage, Clara Arnaud offre une plongée saisissante, minutieusement documentée, dans la vie pastorale moderne. Elle signe un roman sensuel, immersif et tellurique, célébrant la beauté de la montagne sans taire sa violence.
Actes Sud – 08/2023 – 384 pages – 22,50€