Page 34 - AFJET Carnet de Voyage N°9 Eté 2020
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Confine toi à moi sans émoi De retour de Colombie et de Miami avec en fond d’écran le fameux corona virus qui n’en était officiel- lement qu’à ses balbutiements, mes producteurs me font faire escale à Madrid. Bien que portant masque, palmes et gants - d’ac je blague pour les palmes - je reprends l’avion pour notre chère terre natale et me vois affligé durant 48 heures de séjours forcés et répétés en salle de bains. Mieux que la Réa, je vous l’accorde! Sept jours étant le chiffre magique qu’il a fallu pa- tienter pour la premiere forte dose de fièvre. Bref, trois semaines plus tard je reprends doucement goût a la vie, toujours masqué et sans les palmes mais je réussis tout de meme à remonter à la surface des hu- mains. Lorsque sous la fièvre en proie aux délires tortueux de mon esprit malade en écho a ce corps qui se battait contre un intrus sans vergogne qui tentait de le colo- niser, je voyais en rêves de jour comme de nuit des si- tuations grotesques, saugrenues où je venais sauver l’humanité en faisant don de mon sang et donc de mes précieux et vaillants soldats, ses anticorps. Je me voyais parcourir Paris à la recherche d’une âme qui certes esseulée mais surtout toussotant nonchalam- ment, aurait les qualités supérieures d’être du sexe féminin et d’un esthétisme agréable, requérant bien sûr un échange immédiat de nos fluides à des fins médicinales. Ah cette fièvre m’en aura fait voir de toutes les couleurs! Mais il n’en fut rien car à chaque fois que je devais rencontrer la candidate parfaite, je me réveillais dans une marre de ma propre sueur - s’il en est - assoif- fé à bien des égards et sans savoir où j’étais. Je dus donc prendre mon mal en patience jusqu’au jour ou la force me revint d’attraper ma fidèle guitare et de rejouer un peu. Je m’astreignis alors à apprendre de nouveaux standards de Jazz du “Great American Songbook” et à les travailler vaillamment chaque jour. Et là, une chose remarquable arriva: j’avais à nou- veau cette étrange et tenace envie de créer de la musique, de composer. Et pour ce faire je choisis la méthode quelque peu ancestrale du crayon papier, gomme et papier à musique. Je pris mon temps lais- sant “mijoter” ces nouvelles mélodies tout "embryo- nique" pendant quelques jours avant de passer à la notation finale dans mon logiciel à partitions. Faisant fi des stéréotypes j’intitulais même un des titres “Confine”. Est-ce un ordre, manque-t-il un accent, de l’anglais? Qui sait? Maintenant ce titre existe ainsi que deux autres. Merci Corona, merci confinement? Laurent Médelgi 34 afjet- Carnet de voyage Eté 2020 association française des journalistes et écrivains de tourisme