Page 13 - AFJET Carnet de Voyage N°9 Eté 2020
P. 13
Je me tourne vers la vendeuse : « Et le monastère de Ségriès, il existe vraiment ? ». Elle me regarde, amu- sée : « Allez donc voir ! ». Le lieu du crime... « L’amour est une main douce qui écarte lente- ment le destin ». La phrase du roman de René Fré- gni tourne en boucle dans mon esprit. « L’amour ré- parera-t-il ce qu’a fait l’Amour ? ». Au monastère de Ségriès, j’ai trouvé la réponse. Il a fallu chercher les fameux lacets de cèdres bleus, le portail monumental du monastère que décrit le narrateur, les statues des gardes endormis, les moines Bernard de Clairvaux et Benoit de Nursie. A l’arrivée, un lieu de rêve à l’écart dans les collines, un parc en amphythéatre, celui-là même où le cadavre est enfoui, dans le roman ! La ma- gie se poursuit... Le monde imaginaire de l’auteur se rapproche de la réalité, dans une aventure immédiate et proche. Dans le cloître, je trouve un homme d’ori- gine indienne. Oui, un indien de Bombay, le person- nage qui charrie des cailloux et casse des murs dans le roman de Frégni ! Ok Dinghy en personne, meilleur marin d’Asie, lieutenant du Rajput, évadé d’Andaman. Dhruv (de son vrai nom) a parlé, racontant son éva- puis deux, puis tout ce qui leur tombait sous la main, au hasard, côte à côte dans leur lit. Surtout des romans noirs pleins de peurs et de crimes. Cette passion at- tise la leur, ils ont des nuits de chair de poule aussi blanches que leurs draps" sion, sa double participation aux Jeux Olympiques à la voile, son coup de foudre pour Annemarie, sa femme, dans un avion entre Barcelone et Mallorque, leur coup de foudre commun pour ce monastère en ruine et l’achat inespéré en 1995, aux enchères de Digne. Habitants sur place, ils invitent les (petits) groupes à se ressourcer dans un environnement enchanteur, en toute saison, sous l’ombre frémissante des bambous dans le cloître, dans l’odeur amère des buis descen- dant vers la source ou au bord de la piscine. Les sen- tiers des alentours mènent à la splendeur des soleils couchants, sur le plateau. Lacher la bride au temps Le principe du Slow tourisme s’incarne là, dans ce voyage à quelques encablures de Marseille, dans ces rencontres et coups de cœur au gré des kilomètres, pour peu qu’on lâche la bride au temps. De tout cela, je garderai de multiples sensations, mais surtout l’es- sentiel : le privilège d’avoir rencontré ces ‘caluts’ des vallons, ces rois du monde pour les uns, ces ‘ravis de la crèche’ pour d’autres, amoureux du travail bien fait, afjet- Carnet de voyage Eté 2020 13 association française des journalistes et écrivains de tourisme "C'est Pascal et sa femme Aline qui m'ont déniché cet emploi. Ils sont libraires à Riez, au fil des années, nous sommes devenus amis. Il y a vingt ans, ils ne vendaient que des journaux et trois La LiBTRAIRIElibrairie d'Aline livres de poche. Ils se sont mis à lire la nuit, un livre, et Pascal