Page 6 - AFJET Carnet de Voyage N°9 Eté 2020
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 Après avoir récompensé Pierre Adrian et Philibert Humm pour leur ouvrage «Le tour de la France par deux enfants d’aujourd’hui» en 2019, le Grand Prix du livre AFJET 2020 est décerné à RENE FREGNI pour son roman - « DERNIER ARRET AVANT L’AUTOMNE » - (Gallimard) à l’unanimité au premier tour de scrutin. «Loin de chez moi il ne me manque rien, j’habite une maison de mots qui m’accompagne partout comme un cerisier bourdonnant d’abeilles...» Carnet de Voyage: A la fin de votre dernier ouvrage, vous écrivez : «Je n’avais aucune idée de la direction à prendre. Rouler me suf- fisait. ... Chaque départ est un tango mélanco- lique et plein d’espoir ». René Frégni, lors de votre enfance mar- seillaise, vers quelle destination vous por- taient vos rêves ? René Frégni: Grand prix du livre AFJET 2020 Quel souvenir gar- dez-vous de votre premier grand pe- riple ? Mon premier voyage fut le plus grand. Je venais de m’évader d’une pri- son militaire, j’avais vingt ans, toutes les polices aux trousses, pas un sou dans la poche. Je filais à travers l’Europe en empruntant des vélos ou caché dans des trains, Enfant, à Marseille, je ne rêvais que de vacances. Les minots du quartier m’appelaient « Quatre Œil ». J’ai jeté mes lunettes et l’école est entrée dans le brouillard. Je ne voyais plus les ca- ractères d’imprimerie, les lignes de mon cahier, l’école fut un long calvaire. Je ne rêvais que de lumière, de champs et de forêts, de liberté et d’école buissonnière. Mon avenir commençait lorsque je sortais de l’école. Dans les collines j’étais libre, à l’école j’avais peur. Encore voyageur immobile, vous devez à votre mère la découverte du voyage et l’amour des mots à travers la lecture. Racontez-nous cet amour inconditionnel. On n’apprend que dans l’amour. Ma mère savait peu de chose, elle m’a tout appris dans le bonheur et la tendresse de notre cuisine, de notre jardin. J’ai retenu tous ses mots, ses expressions, ses lectures. Elle me regardait et je comprenais 6 afjet- Carnet de voyage Eté 2020 association française des journalistes et écrivains de tourisme la vie. L’émotion ouvre toutes les portes de l’intelligence. La culture n’est pas l’entassement du sa- voir, c’est la vie émouvante dechaquemot,la couleur d’une voix, le regard singulier que nous portons sur le monde. Y a-t-il un auteur qui vous ait par- ticulièrement amené à l’écriture? Quelques écrivains m’ ont ouvert les portes de l’écriture. Céline m’a permis d’écrire, parfois, comme on parle au bistrot. Giono m’a fait sentir que tout était poésie. Genêt m’a guidé vers la beauté par les ruelles sombres du vol, de la trahison et du crime. Camus par la lumière, le dépouillement et la mer. L’écriture ne se trouve surtout pas à l’Aca- démie Française, c’est une plante rebelle et sauvage qui pousse sur les talus, les routes oubliées, les territoires où on ne l’attend pas. On écrit dans tous les jardins interdits. des bateaux. Je mangeais ce que je trou- vais au bord des routes, des fruits verts ou trop mûrs. Je dormais dans des granges. Rimbaud devait être mon frère, je ne le savais pas. Je lisais des livres abandonnés dans les gares, les jardins publics. Toutes les filles étaient belles sur la route, je me sentais libre de les aimer toutes. Avez-vous fait des rencontres jubilatoires ? Quand on sort d’une prison, toutes les rencontres sont jubilatoires. Je parlais aux chiens, aux arbres, aux nuages, aux oiseaux. J’étais amoureux de la première fille qui me regardait et que je trouvais aussi belle qu’un coquelicot. N’est-ce pas un plaisir que d’être, le temps d’un voyage, un étran- ger? Plaisir d’être complètement soi-même, libéré de ses carcans, du paraître, des faux-semblants... La Présidente Magali Aimé La Présidente de la Commission Littéraire Eliette Pascal décerné à René Frégni pour son roman Dernier arrêt avant l’automne Gallimard 


































































































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