Page 7 - AFJET Carnet de Voyage N°9 Eté 2020
P. 7

Lorsqu'on s'évade d'une prison mili- taire, on s'évade de tous les carcans. Une seule chose compte, vivre, vivre tous les instants chaque rencontre, chaque regard. Tout est neuf. Je ne pensais pas à paraître, je pensais surtout à disparaître. Me réveil- ler au bord d’un champ me suffisait. Je savais à peine dans quel pays je venais de m’éveiller, ayant franchi la frontière de nuit et sans papier. Mon avenir était de trou- ver quelque chose à manger, dans l’heure, sans me faire attraper. Ma seule ambition était de ne pas retourner en cellule le soir. Le voyage n’apprend-il pas l’au- dace, l’humilité, la curiosité, l’adaptabilité, l’ouverture à l’autre, aux autres? Le voyage avec un énorme compte en banque ne nous apprend rien. Quand vous avez de l’argent, tout le monde pense pour vous. Un seul jour de voyage sans le sou vous apprend plus que la plus longue croisière sur le plus grand paquebot. La précarité est une grande école, la bohème, la plus belle des universités. «Rimbaud devait être mon frère, je ne le savais pas» On croit que l’on va faire un voyage, mais n’est-ce pas le voyage qui vous fait ou vous défait ? Partir est-il nécessaire pour « se rencon- trer », se connaître ? J’ai fait de beaux voyages dans ma jeunesse, puis j’ai ouvert des livres et je suis monté chaque jour dans des trains qui n’existaient pas pour des pays que je por- tais en moi sans le savoir. Chaque mot est une porte qui s’ouvre sur des forêts pleines de mystères, de peur et d’amour. Que vous manque-t-il loin de chez vous ? Loin de chez moi il ne me manque rien, j’habite une maison de mots qui m’accompagne partout, comme un ceri- sier bourdonnant d’abeilles. Pour «ne pas oublier », vous  «Les mots m’emmènent vers ce que je n’ai jamais appris et que je sais» René Frégni, un auteur authentique aux accents de Provence, aux odeurs de lavande et de thym. Un homme qui vit en harmonie avec la nature qui l’entoure. Un homme qui n’idéalise rien et s’équilibre entre ses ombres et ses lumières, entre les ténèbres de la vie et les soleils de la na- ture. Un homme au parcours atypique, de l’hôpital psychiatrique à la prison des Baumettes, il a vécu et aimé le pire et le meilleur. Après une quinzaine de livres il reste fasciné à la fois par la noir- ceur des hommes et du monde et par les poussières d’étoiles qui habitent les hommes et le monde. Oxymore ou paradoxe ? Les ouvrages de René Frégni, thriller, po- lar, roman, tous dévoilent son amour pour cette Provence aux étés chantants et aux hivers un peu rudes, tous dévoilent son hu- manisme et son amour de la vie et des Hommes. afjet- Carnet de voyage Eté 2020 7 association française des journalistes et écrivains de tourisme 


































































































   5   6   7   8   9