Page 5 - Carnet de Voyage N°6
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Côté Sud Est
production du rosé qui était de fait, considéré comme un produit annexe, et que l’on appelait fort justement «rosé de saignée» car l’on «saignait» la cuve.
Tout cela pousse à la question : «mais comment est fait le rosé?» Dans les raisins noirs, les pig-
ments qui contiennent la couleur et une part de la structure du vin, se trouvent uniquement dans la peau du grain de raisin: coupez en deux un grain et vous verrez nettement que la pulpe est inco- lore. La pulpe donne le jus, donc incolore au départ, et c’est la durée du contact du jus (et la température) avec les peaux, qui détermine l’intensité de la cou- leur. Même si la comparaison est discutable, cette prise de cou- leur et de structure ressemble à celle du thé : la durée et la tem- pérature du contact déterminent l’intensité de couleur et le type d’arômes. Dans ces conditions, si le maitre de chai sépare rapi- dement les peaux des jus, il n’y a pas de prise de couleur et il peut élaborer un vin blanc à par- tir de raisins noirs, c’est ce que l’on appelle le «blanc de noir». Si le contact est rapide (quelques heures à température ambiante, plus longtemps si la température est maintenue basse) il élabore du rosé. La fermentation des blancs et des rosés se fait en
«jus clairs» c’est à dire sans les peaux. Au contraire, si les peaux macèrent et fermentent dans les jus, on est sur une élaboration de rouge car la prise de couleur est importante.
Dans les années 90, quelques producteurs du côté de Saint Tro- pez (qui est aussi une vraie com- mune viticole!) ont l’idée d’abais-
ser la température d’élaboration de leur rosé, de le presser directe- ment, afin de «sortir» des arômes plus élégants, sur un vin plus vif et plus clair. Le rosé de nouvelle génération était né, et l’on allait passer dans les années suivantes, des rosés colorés, aux arômes de fruits rouges (fraise, framboise, mûre), à des rosés bien plus
clairs, offrant des arômes d’agru- mes, de pamplemousse et de fruits exotiques.
En France puis à l’étranger, c’est un succès quasi immédiat ! Le rosé sec, clair et aromatique lan- cé par la Provence trouve deux alliés de poids : la réduction de la consommation des alcools forts en apéritif, dont il prend en partie la place, et surtout l’évo- lution de l’alimentation. La fin du siècle dernier voit en effet l’arri- vée des «cuisines d’ailleurs», asia- tiques, latinos et autres: ce rosé aux arômes d’agrumes se marie
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bien plus aisément avec leurs sa- veurs exotiques, que les rosés co- lorés traditionnels aux arômes de fruits rouges.
Il faut aussi reconnaître qu’à la fin du 20ème siècle, le consom- mateur était en quelque sorte «mûr» pour une profonde évolu- tion. Au cours de dizaines d’an- nées, un nombre impressionnant de conseillers avaient quelque peu sacralisé le vin et codifié sa dégustation: pour apprécier, il fal- lait «savoir» et parfois le faire sa- voir... L’avènement d’un rosé de nouvelle génération, non codifié puisque ignoré jusque-là, offre un espace de liberté et va per- mettre au consommateur (sur- tout féminin) d’affirmer son plai- sir quel que soit son niveau de connaissance du vin. On affiche le «j’aime» plutôt que le «je sais» et on consomme le rosé pour le plaisir simple qu’il apporte. Mon- sieur «tout-le-monde» aspire une véritable bouffée d’air frais!
Gage de solidité, le succès du rosé a été construit par le consommateur lui-même, il lui suffisait d’oser ! «Oser» n’est-il pas l’un des anagrammes de «rosé»? Certes, «éros» en est un autre, mais laissons cela pour une pro- chaine fois...
François Millo
  




















































































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